mercredi 30 mai 2012

Temoignage


Mes chers enfants de ouazzane

Mes chers enfants de ouazzane et d'ailleurs. je vais vous demander d'avoir avec moi une patience infinie. je suis un vieil homme qui à la fin de sa vie a décidé d'écrire un roman. Pour ce travail qui me prendra plusieurs vie, et je sais que je n'ai pas l'immortalité devant moi, j'ai consulté des milliers de pages dans des milliers de bibliothèques. Je ne vous demande pas de lire toutes les pages de ce livre, je ne vous demande pas de lui accorder le crédit que vous accorderiez à votre père ou à votre mère, je vous demande mes chers enfants de témoigner. Et je veux que chacun d'entre vous jusqu'au premier jour porte avec lui  ce témoignage, qui remonte depuis la fin des temps.

Mes chers enfants, j'ai vécu des millions de vies, et je suis mort des millions de fois. La fiction romanesque m'autorise à dire ce que je pense comme je le pense, je m'exprime de surcroit dans une langue que l'on vous enseigne dans les écoles avec la stricte intention de ne pas vous la faire comprendre, c'est malheureusement la seule langue que je maîtrise. Je vous promets dans le cours de ce voyage d'apprendre l'arabe, quelques dialectes berbères et même l'hébreu et le phénicien si cela est nécessaire.

Mes chers enfants, la forme de cette aventure je l'ai écrite avec mes deux pieds, mes deux mains, je l'ai regardée avec mes deux yeux et entendue avec mes deux oreilles; autant dire que je n'ai rien fait pour la vivre ni ne  l'ai choisie. C’est tout le sens et la beauté de ce témoignage, de porter avec moi au plus loin des siècles, je le dis à mes filles comme je le dis à mes garçons. il n'y a rien de plus long qu'un début mes enfants, et je cherche avec patience des mots dont je redoute le poids parce chacun d'entre eux est un témoignage.

Ce très long parcours nous allons le commencer par une traversée des sciences que l'on vous enseigne dans les écoles. Quand je veux dire toutes les sciences, j'entends par là ce que je veux dire ergo est. Ce que je veux atteindre avec vous c'est l'horizon du savoir, au delà duquel commence la vie. Mes enfant, je ne suis pas un enfant de chœur, ni un saint, ni un prêtre, ni un imam de mosquée. J'ai fait un pari sur la mort et la vie qui est bien plus entaché de conséquences que celui qu'on fait nos humbles enseignants dans les écoles, mais ce sont les portes des écoles que je veux ouvrir sur le monde. Si l'un d'entre vous découvre ce testament qu'il se rappelle, que les morts les pauvres morts ont de grandes douleurs, et que ce malheureux avait deux trous rouges au côté droit.

Rabbi Jacob avait un morceau de pain. de ce pain il mangeait chaque jour un peu, buvait un peu d'eau et respirait l'air frais venu du fin fond de la bergerie. Lorsqu'il fut enterré non loin de ouazzane, on découvrit qu'il avait des enfants un peu partout au travers du monde, il n'avait pour autant jamais quitté la ville. Rabbi Jacob fut élevé comme un saint, il est mort comme un saint, il est enterré comme un saint, nous lui rendons visite tous les jours.

"Pourtant même alors, quand ils se trouveront dans le pays de leurs ennemis, je ne les dédaignerai ni les repousserai au point de les anéantir et d'annuler mon alliance avec eux, car je suis l'Eternel leur Dieu. "
(Lévitique, 26, 44)


Ce que le prêtre Jean n'a jamais dit c'est qu'au fil de ces randonnées au travers des siècles et des lieux, il n’avait jamais croisé personne. Pourtant, chaque fois que quelqu'un passe cette porte, c'est le prêtre jean lui même qui semble revenir. Mais personne ne le reconnait. in vino veritas.

(5) Alors Celui qui trône dit “Cette fois je rénove tout”. Il dit encore "Ecris que ces paroles sont sûres et authentiques”. (6) Puis il me dit "C‘en est fait. Je suis l‘Alpha et l‘Oméga, le principe et la fin.
C‘est moi qui donnerai à l‘assoiffé de la source d‘eau vive, gratuitement. (7) Le vainqueur héritera de tout cela , je serai son Dieu et il sera mon fils. (8) Quant aux lâches, aux défiants, aux tarés, aux meurtriers, aux paillards, aux empoisonneurs, aux idolâtres, et à tous les menteurs, leur part est dans l‘étang tout embrasé de feu et de souffre, la seconde mort."

Mon meilleur ennemi est un imam de moquée ici à Ouazzane. Il se lève très tôt le matin part prier, revient très tôt, s'endort, puis se lève à nouveau va prier, mange se rendort, repart prier revient s'endort repart prier revient mange repart prier. Quand je l'interroge, il me dit mes nuits sont plus longue que vos jours et j'y dormirai du sommeil du berger.

Mon meilleur ami, est un artisan, je ne connais pas son métier exactement, mais il enseigne un peu de tout, tantôt charpentier, tantôt ferronnier, tantôt maître verrier, tantôt maçon, on dit de lui ici à ouazzane qu'il a sept métiers mais plus de bien. Je ne parle pas bien entendu de son maniement si fin de la plume et de l'épée, ni n'oublie qu'il monte à cheval comme un prince, parfois en 4*4, parfois en Ferrari, bien que je l'ai vu sur un âne accompagné de sa mule. il ne jure que par la production et passe son temps à dire que la seule chose en laquelle il croit est que les meilleures choses sont celles qu'on n'a pas réussi à cacher ou qu'on a sciemment voulu ne pas achever. J'aime chez lui cet esprit ouazzani sans lequel il n'y aurait sur terre ni avion ni bateau et grâce auquel tout le monde vit ici comme sur une île sous des cocotiers. je connais un autre artisan qui prétend quant à lui que le seul témoignage de l'activité des hommes c'est ce qu'ils ont fait de leurs mains. Dans tous les cas, puisqu'il s'agit en fait de la seule et même personne, je me méfie aussi de cet ami qui ne me veut que du bien à certains moments de la journée ou de la nuit, mais pas toujours aux mêmes.

Mes chers enfants de Ouazzane et d'ailleurs, raconter l'histoire de Ouazzane c'est comme accorder un violon en pleine nuit au cours d'un mariage de saison. Aussi je ne vais pas trop m'attarder sur ce point sur lequel le grand cheikh de la grande maison n'a pas encore voulu trancher, pas plus que le rabbinat ou le concile. Pour autant faut-il commencer ce roman par une histoire de la métaphysique? je ne le pense pas.






Faire et defaire


Defaire tous les jours ce que l’on a fait la veille, est ce une facon de vivre.? En tous les cas il n’y a aucun risque d’accumulation sur ce trajet. C’est un peu comme si le laboureur labourait son champ chaque matin apres l’avoir semé  Certes, mais aprés avoir récolté.  Peu de  laboureurs labourent sément et récoltent en un seul jour. Et se voient contraints de labourer semer et recolter le lendemain. Si l’on veut contraindre une journée, que dire, une vie à 24heures, il faut oublier l’accumulation, elle n’est tout simplement ni possible ni pensable quoiqu’elle puisse l’être  si l’on change de plan.

Il y a donc  au moins trois plans: le savoir doit être concrétisé dans une oeuvre ou un ouvrage, une opera mundi. Il est possible que cela ait donné par la suite l’idée que la musique pouvait être la clef de la concretisation d’un savoir; la science des sonorités.  De là découlerait donc toutes les sciences en rapport qvec la production sonore. Le hic étant que le théoricien fabrique peut être les outils de sa rerecherche et ce de moins en moins, mais il ne les commercialise pas, et ce de plus en plus.

Dés lors que l’on parle de savoir ou de science l’autonomie doit être la maitre mot. Le savant doit pouvoir vivre de son savoir et c’est cela a minima dont le savoir témoigne.  C’est qu’une certaine forme d’autonomie est possible.  Il va de soi que ce dont il est question n’a jamais été une forme de solipsisme ou d’égotisme. Il n’est pas question d’aller vivre sur une ile et de reprendre la production et la recherche à zero.  Cela c’était le rêve de robinson jusqu’à ce qu’il réalise qu’il avait au moins besoin d’un vendredi.  il n’est pas non plus question d’anarchie. L’ordre de la société est préexistant, et ne s’effondrera pas sur l’injonction d’un indidividu fut-il un collectif. Ce qu’on évoque ici c’est la possibilité d’une trajectoire personnelle offrant le meilleur de la liberté. La liberté n’a jamais été l’abolition de contraintes dans la mesure où l’homme n’a pas été créé pour vivre seul. Elle doit être leur dépassement.

Tu m’interroges sur les crises et je cherche pour toi, au nom d’un long compagnonage qui nous a mené du meilleur au pire et du pire au meilleur des mots qui ne soient pas un carcan dans lequel serait piégée ta pensée mais l’aiderait à s’élever. C’est difficile. Mais je me dis que le chemin par lequel je suis passé n’est pas forcément le mien, donc pas non plus le propriétaire, tu peux en sortir comme tu peux, ou quand tu le veux,  le reprendre et le continuer,  c’est un flambeau que j’ai porté un temps, un coursier que j’ai monté un temps, il ne m’appartient pas et celui qui pense le posséder l’a d’ores et déjà perdu.

Reprenons.  Si l’on parle de crise c’est parce qu’on la constate.  Je me souviens de cet écrivain qui rappelait que le temps humains du moins dans le monothéisme, est enchassé entre la génése et l’apocalypse. La crise depuis le premier jour de la création a toujours été imminente autant qu’elle est immanente. C’est ausssi une métaphore de la vie humaine enchassée entre la naissance et la mort. Petite génèse et petite apocalypse. La réalité de la crise est à strictement parler la réalité d’une constatation. Maintenant on peut ajouter que lorsqu’on parle de crise on pose une généralité.  Individuellement le temps humain est donc forcément un temps de crise.  De sursauts d’entrées et de sorties de crise. Mais collectivement?   la notion de collectivité est un ensemble, une hierarchie, un ensemble hierarchisé mais avant tout un concept:  Le temps de la crise d’un point de vue collectif est le discours de la peur qu’une collectivité énonce sur elle même. Le discours de la crise est le discours de la peur répandu par la collectivité à destination de ses membres. 1984 est passé par là. Si collectivement on comptabilise les crises, c’est aussi collectivement que l’on comptabilise les cycles. Il y a des cycles de 10 ans, de 20 ans, de 100 ans, des cycles annuels ou bisannuels. La notion de cycle conçue par les mathématiciens et extrapolée par les économistes, annonce la catastrophe imminente. Un concept est une arme ne l’oublions pas. Celui qui a cherché à penser les cycles de la crise a forcément s’est aussi forcément donné les outils mathématiques pour enteriner l’irrémédiabilité de la peur.

C’est lorsque l’individu rapportte le temps individuel au temps collectif qu’il se perd. Et c’est lorsqu’il intégre le discours collectif comme le discours de sa propre individualité qu’il échange son identité propre contre une identité autre, indéfinie,  incohérente et hétérogène. Car le collectif est un hétérogène et  l’individualité est une homogénéité. Donc pour dire simplement la chose, lorsque tu me parles de crises parles-tu de ce que tu vis ou de celle dont le collectif te parle et dans l’univers de laquelle il veut te faire vivre?

Continuons. Il n’est pas possible de nier le collectif. Mais il n’est pas nécessaire de confondre son identité et l’identité collective. La crise dont tout le monde parle n’est pas forcément celle de tout le monde. Il y a peut être plus de pauvres et plus de riches mais il y a aussi plus de monde sur terre d’une année à l’autre. Le discours visant à épuiser les individualités est une injonction de mort. Le discours collectif de la peur est fondamentalement un discours visant à épuiser les individualité,  à les nier à extirper leur force,  à les vider de toute énergie de tout espoir,  à ne leur laisser que le sentiment permanent de la souffrance.  La joie  devenant un bien à échanger comme les autres.

Pourquoi la joie s’achète-t’elle?  Pourquoi le sentiment de bonheur peut-il être acheté? Ne serait ce qu’un temps fugace? Pourquoi la consommation procure-t-elle du plaisir?  Ou un sentiment d’exister? Autre question quand nous achetons n’achetons nous qu’un bien ou achetons nous aussi autre chose? En même temps? C’est une nuance importante. Si tu achètes une maison par ex n’as tu acheté que des pierres ou as tu acheté autre chose?  tu as acheté un temps de vie, un lieu de vie, un désir de vie?  
En achetant une demeure on achète un avenir. L’être humain ne croit pas en sa propre mort. Il achète donc le temps. On achète un espace. L’être humain ne croit pas en sa démesure, il achète donc une mesure. On achète un désir, une maison doit être emplie de biens variés, on achète donc aussi un capital d’échanges et de relations humaines. L’ensemble des biens qu’on achète constitue une identité acquise. Le renouvellement quotidien de l’acte d’achat constitue lerenouvellement quotidien de l’identité.  Sur cette piste, on finira vite par croire que le seul moyen de vivre heureux et d’être riche; c’est la raison pour laquelle les uns envient les autres.  Mais pourquoi dit-on alors que l’argent ne fait pas le bonheur ? parce que ce n’est pas la quantifié d’argent dont on dispose qui fait le bonheur mais la qualité de l’acte d’achat en ce qu’il satisfait ou ne satisfait pas les constituants de l’identité.  Il faudrait beaucoup de mots pour être plus précis, mais tous les mots du monde ne diront pas  l’évidence d’un regard. Il y a d’ailleurs plusieurs manière de pêcher :  à l’hameçon,  au fusil,  au filet dérivant, à l’explosif, au poison, etc.  quelle est la meilleure manière de pêcher pour celui qui a tout juste envie de cuisiner un bon plat et de goûter une viande garantie fraîche ?  On peut investir des milliards et équiper la plus gigantesque flotte de pêche du monde,  pour pêcher un seul poisson et pouvoir le manger, et ajouter cette pierre nécessaire et indispensable pour combler un vide inéluctable de l’identité ; on peut aussi aller le pêcher avec sa canne, mais on peut aussi sans que cela coûte ni autant de moyens ni autant d’efforts, le trouver sur un étal dans un marché pour peu que l’on sache ou puisse le voir. Le tout est de voir et c’est ce tout qui n’est pas donné à tous. Comme le tout est d’entendre, et c’est ce tout lui aussi qui n’est pas donné à tous.

L’entropie est un concept qui n’est pas que physique mais c’est aussi un concept psychologique dans la mesure où la psychologie peut aussi être vue sous l’angle d’une chimie.
De la perte nait la possibilité du gain, le gain est aussi nécessairement suivi d’une perte. C’est cela  le cycle dont chacun veut sortir. Sortir de la crise c’est vouloir sortir du cycle du gain et de la perte, de l’achat et de la vente. Un homme d’un bon commerce disait-on est un homme de bonne conversation et viceversa. Ce serait donc sortir du cycle de la relation à autrui? Est ce possible? Est ce nécessaire? Est ce pensable? 

Mon enfant dans ton univers tu es roi. Quand tu entends les gens parler tu les reconnais. Tu sais qu’ils sont à la fois eux même et les émanations de ta propre présence. Quelque soit ton état. Dans l’univers des autres tu ne serais qu’un serviteur.
 Faire tout soi même en faisant faire les autres est une manière de régner. Mais ce que les autres ont fait sous le règne de soi ils les reprendront sous le règne d’un autre. 

C’est de vouloir conserver que l’être humain se meurt. Ce que l’être a donné sans fin, il l’a gagné sans fin; ce que l’être a conservé sans fin, il l’a perdu sans fin.

Les hommes par nature ne sont pas égaux. Il ne s’agit pas de dire que les uns sont meilleurs que les autres, mais tout simplement de reconnaître que leur différences ne permet pas de parler d’égalité. Certains sont nés prophètes  par exemple. D’autres sont nés autre choses. Dans une certaines mesures le destin d’un homme est forcément de devenir ce qu’il est. La question est que nul ne sait ce qu’il est, et l’essentiel de la quête est le chemin que l’on fait pour devenir ce que l’on est, et c’est chemin faisant nous devenons en partie le chemin que nous traçons.  L’ensemble de l’humanité est nécessaire. L’eugénisme a toujours été une tragique erreur. Toutes es fois où les humains ont tenté de tailler l’arbre de leur vie à leur guise, ils ont perdu. Les boutures ne prennent pas forcément et il n’y a rien d’inutile dans l’humain. Il nest pas possible de tailler dans un arbre qu’onne connait pas et l’humain est un arbre par définition inconnu . et destiné à ne pas l’être. La plénitude de l’humain est le secret de la création, sur laquelle toute glose est une bouffonnerie dont la possibilité est incluse dans le secret de la création.

Tant de grands penseurs ont essayé de déployer la majesté de l’humain et n’ont fait ce faisant que la réduire. Les possibilités de l’esprit sont telles que toute tentative de le cerner est un carcan dans lequel se trouve enfermé celui qui l’a pensé . l’être humain est une question, la réponse est dans le cheminement.

Au marché des bonnes consciences ?


Comment font les êtres humains pour s’acheter une bonne conscience ?  en commettant des bonnes actions est la réponse usuelle. J’ai vu aujourd’hui un rassemblement de milliardaire autour d’un pot à plusieurs millions de je ne sais quelle monnaie à l’occasion d’une soirée visant à financer les besoins de je ne sais plus quelle maladie. Et le journaliste ironie bien ou mal placée disait que ces milliardaires trouvaient le le moyen de s’acheter une bonne conscience. Je mets d’emblée de côté la question de l’achat de conscience dans le sens d’achat de légitimité, quitte à revenir sur ce pont par la suite.

Comment fait-on donc pour s’acheter une bonne conscience ? on peut commencer par l’essentiel, en toute chose il est bon de savoir ce qui se dit. Si les bonnes consciences peuvent s’acheter, c’est qu’il  en est –de bonnes ou de mauvaises, qui se vendent. Donc s’il y a des consciences qui se vendent, il y a donc un marché, on ne peut évidemment penser un commerce sans marché : c’est la règle du lieu. Il y a donc des vendeurs de consciences puisqu’il y a des acheteurs, et un lieu pour que cela se fasse.  Par ailleurs, parce que la question se pose aussi, est-il possible de s’acheter une mauvaise conscience ? y a-t-il un marché pour les mauvaises consciences ? Qui voudrait d’une mauvaise conscience ? Mettons cette question de côté pour l’instant.
En y mettant les moyens on peut tout acheter. C’est aussi ce qui se dit dans ces questions. Continuons. Qu’est ce qu’une conscience ? De quel type de produit s’agit-il ? qui le fabrique ? Je me souviens de ce Gepetto qui avait pour conscience je ne sais plus quel animal. Cet insecte je crois lui disait en permanence, ce que tu fais est bien ou ne l’est pas, fais ceci ne fais pas cela, etc. la conscience observée sous cet angle est une capacité de jugement moral et pratique, de discernement et de mesure, Une capacité d’observation  et d’analyse.  Donc la conscience est une capacité. De quelle nature est cette capacité ? je ne parle évidemment pas de sa nature physique, la chimie du cerveau échappe à on domaine de compétence.
Pourquoi les consciences valent-elles plus cher qu’un bateau ou un avion ?  un bateau ou un avion donnent les moyens de se déplacer, quels moyens procure la conscience, qui ne puisse être fournis que par elle ? Les consciences se situent dans des corps pour peu que l’on puisse parler d’une localisation à ce sujet. Les corps de nos jours se morcellent et se vendent, il y a un marché pour cela et même des banques.  Que pourrait-il y avoir d’équivalent pour les consciences ? l’anima n’est pas la conscience.  L’anima cartésienne dont les animaux seraient privés n’a rien à voir avec cette capacité de jugement moral et pratique qu’est la conscience.  Il n’est donc pas question de vendre ou d’acheter les âmes des personnes, mais plutôt leur capacité de discernement et de mesure.  Et une fois qu’un être a vendu sa conscience, que lui reste-il ?
Reprenons. Les êtres humains de nos jours vendent leurs corps ou des parcelles de celui-ci, qui est une matière, ils vendent aussi leur force de travail qui est une énergie. Intéressons nous à cet aspect de la question. La force de travail aussi concrète qu’elle soit est aussi une forme abstraite. Si je vais travailler pour quelqu’un, qu’achète-il de ce que je lui ai vendu ? il achète en premier lieu un temps de vie, sur les trois huit, il accapare au moins un huitième ; les huit heures que je consacre dans un bureau ou dans les trajets que je fais, les huit heures sur commande où je suis certes moi-même mais toujours moi-même travaillant pour un autre, moi-même comme un autre disait le poète, étant un autre quoique je le veuille, d’une manière presque inévitable. Donc en premier lieu, la force de travail, c’est du temps, perdu pour celui qui le vend, gagné par celui qui l’achète. La force de travail, c’est aussi une énergie, de la sueur par exemple de manière concrète, du sang puisqu’on peut se blesser en travaillant voire en mourir ; des larmes c’est possible aussi ; puisque l’on peut pleurer de joie à l’obtention d’un contrat comme on peut pleurer de rage lorsqu’on ne l’obtient pas. Il achète aussi dans les deux huitième qui échappent à la présence concrète, un temps d’attention, ou une part de l’attention qu’un être porte à lui-même et à ses affaires courantes, dans un certain ses ce temps d’attention n’est-il pas un temps de conscience ?

Arrêtons nous un instant sur cette pensée ; il est conscient nous dit le médecin, cela veut d’abord dit qu’il est vivant, même si son état de vie peut être a minima, dans un état comateux par exemple. La conscience est un indice de vie, en ce qu’elle est un ensemble de signaux psycho-moteurs, symptomatiques, peut être. La conscience n’est pas à strictement parler la pensée, il faut être conscient pour penser.  Toutefois, Lorsqu’un être occupe vos pensées, c’est aussi votre conscience qu’il habite. Soit dit au passage la métaphore qui vient à l’esprit est spatiale ; occupe votre pensée comme s’il occupait votre demeure. S’agit-il alors d’un squateur, d’un locataire ou d’un propriétaire ? l’occupe-t-il de droit ou seulement de fait ?

Revenons toutefois à la question de l’employabilité de l’être humain. Peut-on une fois que l’on a quitté le travail ne pas y penser ? Peut on oublier le travail une fois la porte du bureau ou de l’atelier franchie ? C’est difficile, voire impossible, c’est donc que ce temps là lui aussi a été acheté et doit de ce fait être comptabilisé. Le temps, l’énergie et l’attention, voilà au moins trois choses que l’on a vendues en concluant un contrat de travail.  C’est un peu comme si l’on avait loué une partie de soi, pour une durée déterminée ou indéterminée, par contrat ou sans contrat.
Les consciences peuvent être achetées et vendues tout comme les corps peuvent être dépecés et vendus pour ce qu’ils contiennent de matière biologique utile ou loués pour ce qu’ils supposent de temps, d’énergie et d’attention. D’approximation en approximation nous étendons ainsi le fil de la pensée. D’une certaine manière celui qui nous emploie nous occupe, littéralement. Il s’installe en nous se porte au commandes et a droit de jugement de contrôle et de décision sur une partie de nos pensées ou des nos actions. Le même niveau de présence qu’un parent a dans l’esprit de ses enfants.  Voire parfois un niveau d’injonction supérieur. A moins que ce ne soit l’inverse évidemment, les relations n’étant jamais strictement univoques cette possibilité voire cette évidence est à prendre en compte.
Peut être est il temps d’opérer une synthése rapide.
S’agissant de la question de la conscience, nous l’avons définie d’abord comme une capacité de jugement moral et pratique, de discernement et de mesure, Une capacité d’observation  et d’analyse puis comme un ensemble de signaux psycho-moteurs, symptomatiques  ,  nous avons aussi interrogé ce qui dans l’humain peut se vendre et s’acheter. Les corps se vendent, s’achètent et se louent à la fois comme matière biologique spécifiques et comme usage. La force de travail aussi se vend et s’achète. Dans tous les cas ce qui se vend, s’achète ou se loue est varié ; Le temps, l’énergie et l’attention : on aurait pu appeler les choses autrement, bien sur mais la nomination ne change pas grand-chose aux faits.
Revenons maintenant aux questions qui ont tissé cet essai ; Comment font les êtres humains pour s’acheter une bonne conscience ?  Comment fait-on donc pour s’acheter une bonne conscience? y a-t-il un marché pour le commerce des consciences ?  Pourquoi les consciences valent-elles plus cher qu’un bateau ou un avion ?  Quels moyens procure la conscience, qui ne puisse être fournis que par elle ?
Depuis le début de cette réflexion  c’est la notion de conscience que nous avons interrogée. La conscience relève-t-elle du domaine du commerce ? peut-elle faire l’objet d’un échange en numéraire ? peut-elle être l’objet d’un échange commercial ? Mais bien auparavant ou bien après c’est selon, ces questions peuvent paraître étranges, elles sont avant tout un exercice de la pensée. Nous avons noté que le cycle de la vie et de la mort relevait nécessairement d’un cycle commercial. Le vivant a acheté une vie, le mort l’a vendu ? le vivant a vendu une vie, le mort l’a achetée ? J‘interroge les significations des mots sans plus.  La dualité ne doit jamais nous surprendre dans la mesure où chaque chose appelle son contraire, la nuit appelle le jour et vice versa, la richesse la pauvreté, la joie la souffrance. L’opposition, là où les extrêmes se rejoignent est une complémentarité. Entre les deux il n’y a pas forcément de rupture, tout comme il n’y a pas forcément de continuité.

ودعتهم


Après tant d'années de guerre et de paix, après tant d'années d'efforts harassant pour survivre, je voudrai avoir un mot pour toi.

Cette grand mère que j'ai connue, fille de ta mère, petite fille de ses petites filles, je veux te dire pourquoi je l'ai respectée et aimée. Elle a eu plus d'enfant que n'en enfantera le monde, et ils sont tous partis les uns après les autres. Un jour je l'ai entendue se plaindre, pleurer doucement dans un coin, elle chantait, cette chanson que je ne saurai jamais trahir, donc que je ne traduirai même pas.

 je leur ai dit adieu
ils étaient mes enfants
ils sont partis
ils étaient heureux de partir
ils étaient tes frères
tes sœurs sont restées à la maison

j'ai prié sur chacune de vos tombes
toutes les nuits j'ai pleuré sur chacune de vos tombes
il y a longtemps que mes yeux n'avaient pleuré
ce n'était pas des héros, c'était des enfants

je les ai salué comme on salue des héros
je les ai porté au plus haut que j'ai pu
et quand ils sont tombés
je suis tombés plus bas qu'eux

C'étaient mes enfants, mes frères
je les porte tous les jours dans un cœur ensanglanté celle qui les a enfanté voulait des héros
elle les a grondé elle les a fait rire et pleurer
mais elle voulait des hommes aux pays des Mauviettes

Je leur ait grand mère mère sœur et fille
quand l'un tombe que le suivant se porte à sa place
mais que jamais le combat ne s’arrête
je leur ai dit je paierai vos dettes de mon sang, de ma sueur et de mes larmes
mais que jamais l'un de vous ne s’arrête

je leur ai dit grand mère mère sœur et fille
je ne veux dans la lignée de ma race que des Témoins
je serai toujours le dernier d'entre eux
depuis le jour où j'ai choisi le premier

Je leur ai dit le front sur lequel je me bat n'a pas de limite
mais la rage au cœur et fier de mon sang
jamais jamais de ma race un homme ne s'inclinera devant la peur

je leur ai dit je ne suis garant que de moi même
mais dussé je céder à chacun d'entre vous le peu de bien que j'ai fait dans ma vie
que jamais de notre race un homme ne quitte le front
je leur ai ai dit vous n'avez qu'un seul enemi 
quelque soit sa multitude
coupez la tête de la multitude et brulez là
elle brule depuis si longtemps que cela ne se verra pas

Je leur ai dit vous aurez des alliés partout
 quand un seul allié vous suffira toujours
choisissez le seul qui ne fait jamais défaut
celui là seul se chargera des autres

Je leur ai dit au plus profond de vous même
il n'y a plus que lui
l'allié que votre race s'est donné est le plus puissant
je leur ai dit soyez modestes, 
la majesté de votre allié outrepasse toutes les majestés

Je leur ai dit, où que vous alliez il sera
où que vous soyez il est
il est le plus exigeant des amis
le plus solitaire des aimés

je leur ai dit grand mère mère soeur et fille 
Je les veux tous témoins
quelque soit le prix que j'aie à payer
dans ma race
la noblesse est celle du témoignage





le témoignage d’un absent


Je suis par nature et constitution un absent. J’aime l’humain en ce que j’aime son créateur. J’aime dans tout ce que je vois sens et goûte la trace de la main du créateur. Autant que possible je ne sais, ne fait, ne veut et ne prétend que m’effacer. Comment se présenter en ce monde, en étant si peu quand on sait que l’on n’est rien. Comment se présenter en ce monde quand on sait que l’on ne possède ni sa propre force, ni l’état dans lequel on se trouve. J’ai tout simplement honte de mon impudence étant ce que je suis ou ne suis pas d’avoir l’audace de me présenter de nuit comme de jour devant celui sans lequel ma présence comme mon imprésence serait impossible autant qu’elle l’est. J’ai beau y penser, je ne vois aux êtres comme moi qu’un destin, le témoignage. Ma propre viduité est ma gloire en ce qu’elle affirme la gloire de Celui là seul qui est Plénitude. Mais n’est ce pas aussi une autre impudence que de prétendre affirmer quoique ce soit quand toute forme d’affirmation comme de négation est d’abord l’expression de sa Volonté. Que suis-je si ce n’est rien, et le rien lui-même que serait-il s’il n’avait d’abord été créé ?  C’est ma tristesse et mon bonheur. 

L’humain a ainsi été créé de tristesse et de bonheur, ne se satisfaisant jamais ni d’un état de l’autre. Il n’y a pas de solution à cela. Ni à chercher ni à trouver. C’est un b.a. ba . Au bout du compte, il arrive un jour où l’on doit rendre compte de la qualité de son témoignage, sachant que tout ce que l’on aura fait dans le cours de ce témoignage aura eu des conséquences incalculables sur d’infinies possibilités, dont les témoins eux même n’ont aucune idée parce que s’il est possible à l’esprit humain de penser l’infini et l’illimité, il n’est pas possible à l’esprit humain de penser ce qui a pu créer et l’infini et l’illimité. Tout simplement impossible, l’homme est au piège de ses mots. Ces mots là, il ne les a pas inventés, on les lui a enseignés.

Sur ce qu’est le témoignage, il y a autant d’opinions que d’êtres humains. Ramasser un mégot dans la rue pour le jeter dans la poubelle est une forme de témoignage. Et suffisant de surcroit. L’on témoigne qu’il est des choses qui doivent être et d’autre qui ne le doivent pas, l’on témoigne qu’il est des choses qui sont et d’autres qui ne sont pas, l’on témoigne que le monde est ce qu’il est parce qu’il est ce qu’il est, parce que la réalité est une créature comme une autre, faite de mots et que des mots l’ont fait. L’on témoigne qu’il n’y a rien qui ne soit d’abord créé, et que le rien lui-même est une créature, l’on témoigne que la tristesse et le bonheur sont des états de l’être qui ne sont ni à atteindre ni à dépasser parce qu’ils sont ce qu’ils sont qu’ils nous constituent et que nous les constituons, l’on témoigne que le monde est un état d’équilibre que nul n’a choisi et que la temporalité est la créature qui l’anime, le menant d’un pôle à l’autre sans oublier l’effet de retour. La notion de feed-back dit beaucoup de cela, tout comme celle de rétroactivité.

Des générations de témoins nous ont précédés, des générations de témoins nous succéderons. La continuité du témoignage est la seule certitude à laquelle nous pouvons nous raccrocher. Il n’y a pas ici de pari sur une existence ou une inexistence. Il n’y a qu’un constat celui de l’évanescence de la vie humaine et de l’irrémédiabilité du destin.



الـبـابُ تروي قِصةَ الأحزانla porte des tristessesِ


La porte de la tristesse, la porte des tristesses, la triste porte, la porte des regrets.

C'est en soi une expression si triste que sa seule pensée me fait pleurer. J'y entrevois la tristesse d'une rencontre manquée avec une un espoir si vaste qu'en regard le monde paraissait infiniment petit.

Ce regard porté sur le monde depuis les tréfonds de moi même, son souvenir est une larme permanente. Il me l'a offert et m'a offert en même temps le désespoir de celui qui s'effondre devant la magnificience du don, jusqu'à l'épuisement du don, jusqu'à l'écrasement de moi même dans l'angoisse de moi même, dans l'angoisse et la peur. Je n'ai su préserver de cette immense déréliction de moi même et de joie absolue que cette triste porte qui est le rappel perpétuel du passage d'un ouragan de puissance et de volonté.

C'est peut être un peu l'histoire d'adam, celle de la chute. C'est aussi l'histoire de celui qui prend ce qu'il veut et reprend ce qu'il veut quand il le veut. Le désespoir commence quand au regard de la perte l'être n'est plus en mesure d'entrevoir la majesté dans le reste et le don.  Car celui qui enlève est celui qui donne. Encore faut-il être en mesure d'entrevoir le don avant de se perdre dans le futile.

La porte des tristesses est celle des âmes mortes. La rivière de Charon où s'écoule le temps de entre deux rives n'aspirent à rien si ce n'est à l'oubli qui ne vient pas et à la mort qui se prolonge. La porte des tristesses est celle là qui ne se franchit que par des actes car l'indécision est l'eau même de cette rivière.

Je ne connais pas de définition à cette porte, celui qui la franchit se retrouve mort parmi les vivants au mieux vivant parmi les vivants mais si peu de temps. C'est aussi peut être je ne le sais pas l'histoire de celui là qui est mort cent ans puis ressuscité le temps de voir comment son plat de nourriture n'était plus que poussière.

la porte des tristesses est peut être aussi celle que franchissent quelques idées qui atterrissent dans le monde sans que l'on sache trop pourquoi ni comment des points de départ sans origine connue.

La porte des tristesses est celle que j'ausculte chaque fois que je prends en main un stylo., parce que depuis longtemps maintenant tout ce qu'un stylo peut m'apporter c'est le souvenir que le regret est aussi un souvenir et qu'il n'y a pire enfer que celui que nous pavons de nos regrets.

cette porte n'a pas de remède connu, hormis le témoignage concret d'un acte concret engagé dans un environnement concret. Témoignage qui redonne vie l'instant où il donne vie le peu de temps où il donne vie. Une forme de rapt dans la réalité d'un instant qui dure des millénaires quand on le remémore mais qui ne fut qu'un instant pris à un regret et vite devenu souvenir lui aussi.


Reconstruire le mur



Il faut reconstruire le mur disent-ils. chaque jour réponds-il, le mur s'effondre et se reconstruit avec du ciment. c'est au pied su mur que l'on reconnait le maçon et c'est de pierre taillée que le mur est fait.  du moins aujourd'hui. c'est l'histoire de la rencontre de moise avec al Khidr.  un mur s'est effondré, le compagnon de moise le reconstruit. l'histoire ne dit pas si le mur s'est effondré mais toujours est-il que le compagnon de moise l'aura reconstruit. l'histoire ne dit pas si le mur s'est effondré à nouveau, mais on n'est pas loin de la rencontre entre moise et son compagnon.

Le mur est-il utile? 

De mon point de vue à cet instant précis hic et nunc, il y a dans le mythe de la reconstruction du mur un rêve de retour à une époque idyllique, un antebellum. Qu'il est beau le temps où le mur était construit. le désir de le reconstruire est passible d'une peine de prison de sept ans. c'et insi que lis l'histoire de Joseph. Quoique toute prison voulue par le créateur des mondes est un paradis et Joseph y a appris l'interprétation des discours, une cuisine comme une autre au regard de cela il est devenu conseiller de prince.

Grâces soient rendues à celui qui n'a nul besoin de conseiller.

Arrêtons nous un instant sur cette pensée, le mur déconstruit doit et peu être reconstruit, mais le nouveau mur ne sera jamais comme l'ancien, ce qui s'est perdu ne se retrouve jamais. En regard de cela, la chute du mur qu'a-t-elle apporté?  le transitoire. Seul le transitoire dure. La chute du mur, c'est l'histoire de la chute tout court d'une certaine manière, sa reconstruction, c'est l'action de khadir dont Moise n'a pas saisi les intentions.

Ces idées entremêlées nées de la lecture du seul livre qui me tienne à cœur sont une cuisine dont j'a honte et je brûle de de bruler ce cahier avant qu'il ne me brule en enfer.

La raison pour laquelle j'avance malgré tout dans cet enfer, c'est parce je sais que le feu peut devenir froid sur un ordre, et j'attends cette ordre.

Hommes qui n'avez jamais aimé, je suis l'aimant par chaque pore de ma peau, je suis celui dont les larmes épuisent la force et dont la force s'épuise dans les larmes. je voudrais dire tout ce qui peut se dire, mais de l'amour que peut on dire hormis que je suis majnoun.

honni soit qui mal y pense.





La responsabilité de l’enseignement

Je  parcours les écoles de ce pays depuis des mis maintenant, après une pose de quelques mois, je dirai depuis des années. A tracer les tableaux tous les jours, un jour sur deux, deux jours sur trois, trois jours sur quatre, quatre jour sur cinq, cinq jours sur six, six jours sur sept, j’ai vu de la vie toutes les couleurs passer devant mes yeux. S’il est sur qu’un apprentissage ne s’arrête jamais, je dois reconnaître malgré tout que je suis impressionné par la somme de mes ignorances et heureux.
Des écoles que j’ai vu, j’ai surtout vu le pire. Je ne voudrai en aucun cas être responsable de l’enseignement dans ce pays. Les septs derniers jours qui viennent de passer, j’ai aligné des centaines de metres de traits, à tracer ligne après les lignes les tableaux des classes de sorte qu’ils deviennent des équivalents de pages de cahier. Je n’ai pas gagné de quoi renouveler le matériel dont j’ai besoin pour travailler.  Des dizaines de professeurs gagnant des milliers de dirham n’ont pas trouvé le moyen de payer à un malheureux les moyens pour qu’il puisse acheter de quoi travailler. Des dizaines de directeurs d’écoles n’étaient tout simplement pas présents aux moments où je passais. A presque toutes les heures de la journée. Des dizaines de directeurs d’écoles ont affirmé qu’ils n’avaient pas les moyens de sortir 20 dh de leurs caisses, que tout simplement ils n’avaient pas de budget. D’autres, comme aujourd’hui ont payé pour un enseignant mais pas pour les autres. Des dizaines d’enseignants ont argumenté avec raison peut être que même dans leur propre intérêt ou dans l’intérêt des enfants dont ils étaient responsables il n’était pas question qu’ils déboursent un centime de leur poche pour le bénéfice de qui que ce soit. Quand je dis un centime il faut savoir que je suis tombé au plus bas qu’il est possible de tomber, j’en suis arrivé à demander aux enseignants de payer ce qu’ils voulaient pour peu seulement qu’ils acceptent que ce travail nécessaire et indispensable soit fait.
Le plus curieux est que les enseignants dépositaires de la responsabilité de l’enseignement en sont arrivés à la situation paradoxale où ils en sont au point de presque demander aux artisans de payer pour travailler dans l’espace de l’enseignement. C’est une situation très curieuse. Tout le monde passe son temps à se plaindre de ce qui manque à condition que personne ne fasse quoi que ce soit. La moindre idée de changement terrorise, le plus minime soit-il et fut-il nécessaire ou utile. Les enseignants ont vendu les enfants dont ils sont responsables. Plus je le vis plus je le constate. La tâche des écoles n’est pas de former les générations mais de transformer les enfants en marchandise qui s’achète et se vend. Avec le sourire de surcroit. C’est pourquoi les enseignants tiennent à ce point à ce que rien ne change. Je me souviens d’un directeur d’école à Oulmés qui m’expliquait que j’avais tout à gagner à abandonner mon métier de traceur de tableaux d’écoles pour aborder le versant intime de l’expérience intérieure de l’enseignement. Sans aucun doute le versant où il n’est pas nécessaire de porter une règle ou un sac ni d’acheter de la peinture ou des stylos pour gagner sa vie. L’expérience de la vie sur la bête, où es enfants fournissent à peu prés tout ce dont le maître a besoin, dont le souffle de vie sans lequel nul humain ne pourrait supporter son existence.
Ce que j’écris ne plaira évidemment jamais aux enseignants, j’avoue que je m’en fous, ou peu me chaut. Depuis des années maintenant je finance le traçage des tableaux des écoles en pure perte, passant mes journées à jeter des perles aux cochons dans l’espoir que d’une perle peut être jaillisse un jour une huitre et que se repeuple ainsi l’océan. Si je m’arrêtais au dégout permanent que j’éprouve chaque fois que je vois ces paresseux que sont les enseignants enseigner l’éthique de la vie aux enfants je dois reconnaître que je n’aurais plus de raison de sortir de chez moi. Je pourrai ainsi passer en toute quiétude mes journées à manger boire chier me masturber et regarder la télévision, en paix et en toute quiétude.
C’est là que mon travail est une forme de sacerdoce. Je ne le fais ni pour les imbéciles qui ne le méritent pas et du reste s’en foutent et n’en ont cure, ni pour les enfants pour qui l’école est avant tout et avec raison, une cour de recréation, je le fais parce qu’il faut bien tous les jours faire quelque chose qui témoigne que l’être humain n’est pas né pour rien, qu’il y a quelque chose à faire, et qu’il faut bien rendre grâce d’une manière ou d’un autre au créateur des deux mondes de sa bienveillance et de sa bonté. En lui rendant grâce du reste on ne rend grâce qu’à soi même et c’est la beauté du geste qui est la marque de sa grandeur. Les beaux gestes sont forcément les siens.
Je ne voudrai en aucun cas être nommé responsable de l’enseignement dans ce pays. Et pourtant de mon point de vue je suis sans aucun doute l’un des plus hauts responsables de l’enseignement de ce pays. Au sens où je suis celui qui vient dire ceci doit être fait et tant pis si vous ne le faites pas, parce que ma présence renvoie chacun à sa propre responsabilité, sans décharge ni délégation possible.. Je suis celui qui paye de sa sueur de son sang de son repos pour qu’un enseignant puisse dire j’ai payé pour qu’une belle chose soit faite ou j’ai payé pour qu’une chose utile soit faite dans mon école. Il m’arrive de supplier les enseignants pour qu’ils me laissent travailler, parce que quand je trace un tableau, c’est d’une certaine manière eux qui le font. Il en est tant qui disent non.
La vie est étrange et les êtres humains encore plus. Le propre intérêt de l’enseignant est que je fasse dans sa classe le travail que je fais. Je passe des nuits terribles parfois, je fais tant de km inutiles, je me fatigue sans fin, et quand j’arrive, ils trouvent le moyen de me dire non merci, ne pourriez vous pas revenir demain ? ou pourriez vous nous laisser votre numéro de téléphone pour que nous vous appelions l’année prochaine à la rentrée, comme si je pouvais tracer les tableaux de toutes les écoles du Maroc le même jour de la rentrée, comme si c’est ce miracle là que l’on me demandait à moi qui n’est même pas la prétention d’être un sage encore moins un prophète. C’est pourtant aussi un enseignant qui m’a dit un jour la vie est une instantanéité d’instants, peut être pensait-il au passage d’un train, c’est du moins ce qu’il m’a semblé ce jour là. L’histoire est toujours celle des rendez vous manqué et l’histoire de mon rapport avec les écoles et les enseignants est cela même, une collection de rendez vous maqués.
Il y a une part de moi qui est morte depuis mon retour au Maroc. Il fut un jour un Hicham qui croyait qu’au Maroc les gens voulaient un changement, et qu’il leur manquait les moyens de ce changement ou les outils de ce changement. Il est rentré au Maroc pour cela, il a investi tout ce qu’il avait et tout ce qu’il a pu trouver dans les poches de touts ceux qui ont bien voulu ou pu donner. On est allé jusqu’à l’accuser d’avoir volé ce qu’il avait donné.  Ce Hicham a été crucifié au Maroc. On lui a pris tout ce qu’il avait, et on a voulu le jeter nu dans la rue. Il se trouve qu’il y a un Roi au dessus des rois et des roitelets. Hicham a tout connu, on l’a tué de mille morts et cuisiné ses rêves et ses espoirs de mille manières et à toutes les sauces. Il se trouve que la foi de Hicham exclut le suicide. C’est ce qui l’a sauvé, parce que c’est vers ce point que l’on a voulu le pousser.
J’ai eu cette expérience intime de la crucifixion. Quand vous arrivez avec l’intention de tout donner et que l’on vous vole ce qui était destiné à être donné, quand vous êtes prêts à donner l’univers entier et que l’on vous arrache les entrailles pour vous prendre une miette, comment ne pas désespérer des créatures ? Un jour que je revenais dans un collège un enseignant m’a croisé et m’a dit ; de retour ? derrière le plaisir de me sentir reconnu (petits témoignages d’un destin qui me rassure un peu et dont je me satisfait pleinement) ; j’ai vite perçu l’ironie ; le clochard céleste et traceur de tableau ; j’ai répondu, mais c’est parce que je ne meurs pas. L’homme fut interloqué par cette réponse : je lui ai donc répété : je ne meurs pas, c’est tout. On me tuera des millions de fois mais je ne mourrai jamais. Je n’avais pas l’esprit à la philosophie ce matin là, et j’ai appris avec le temps que les interrogations philosophiques des enseignants visaient essentiellement à me faire perdre du temps, un clown de passage dont on se distrait un instant en le faisant danser ou chanter. C’est parce que dans le fond, ce qui sauve un homme ce ne sont ni ses actes ni ses mots mais la mémoire de ses actions dans lesquels il se survit. On peut tuer un homme mille fois, tant que ces actions sont répétées il revit.  Chaque fois que je rentre dans une école pour tracer un tableau, c’est l’apprenti traceur de tableau en moi qui revit. Chaque fois que je pianote sur un clavier c’est le pianoteur de claviers qui revit. Des personnalités professionnelles en quelque sorte.
Financièrement on a mis Hicham sous tutelle, à 42 ans on l’a mis en état de ne pas disposer de ses biens comme il l’entend. Non pas par acte juridique, mais simplement en jouant de ses principes contre ses intérêts. Il n’ira pas hériter son père vivant, il perd donc l’accès à aux biens que lui a laissé sa mère.  Il est toujours gêné de demander quoique ce soit à quiconque, il est donc celui à qui on va emprunter ou prendre sans gêne, sachant que sa fierté ou sa bêtise l’empêcheront de faire pratiquer la règle du donnant-donnant et ainsi de suite. Si un jour son père meurt on lui dira tu as mangé tout ton bien de son vivant, il ne te reste rien, et ainsi de suite, etc.
Une crucifixion c’est quelque chose de terriblement curieux. On a crucifié l’homme qui rappelait à trop de monde que les mauvais choix qu’ils avaient faits non seulement n’étaient pas inévitables mais de surcroit pouvaient être corrigés. L’homme qui renouvelait l’espoir et dénigrait le désespoir, l’homme qui ne laissait aucune place aux faux fuyants. Le christ a quand même réveillé les morts, marché sur les eaux , etc. il a rappelé que l’étendue de ce que l’humain avait fait n’était rien en regard de ce qui pouvait se faire . le dernier prophète s’est porté jusqu’à l’infini des cieux.
La croix sur laquelle on a voulu porter Hicham est évidemment de bois. Croix de bois croix de fer si je mens tu vas en enfer.  Son tort est d’avoir affirmé que les rêves étaient possibles, qu’il y avait quelqu’un aux commandes capable d’exaucer les vœux de ceux qui n’avaient pas oublié d’en faire.  Son tort est d’avoir prouvé que l’on pouvait faire un pari gigantesque sur la vie et la mort, sur l’essentiel et le futile, et laisser le Gagnant gagner. Evidemment de tels paris ne sont pas faciles. Le Gagnant a sa manière à lui de gagner. Elle implique la possibilité du martyr, elle inclut la possibilité de la mort, le gagnant ne promet que la seule victoire qui compte et il a juré que la responsabilité des irresponsables serait infinie à la mesure de la souffrance de ceux qui croient en lui. C’est un drôle de chemin, que le chemin de celui qui a juré que la tombe serait le début de sa vie. Et que vivant, la seule chose qu’il était nécessaire d’apprendre, c’est l’art et la manière de patienter 70 000 ans.
C’est un sacerdoce que d’aller dans les écoles à ce prix.

Le dédoublement de personnalité

Ce qu’on appelle un dédoublement de personnalité, c’est une capacité à s’observer et à se vivre comme un autre. Se regarder regardant, s’écouter écoutant. Tout jeune je prenais plaisir à me voir marcher, à me voir de puis le ciel, envoiture ou en train ou depuis la terre en avion. Il me suffisait tout juste d’accentuer le regard, de le dédoubler en quelque sorte. Comme si je n’avais pas que mes deux ueux mais d’autres yeux ou comme si je n’étais qu’une partie de moi-même. Je peux aussi me regarder de face, de profil, de dos. C’estune capacité d’imaginer. A strictement parler je ne me vois pas, mais je peux reconstituer quelque part au creux de mes yeux une image, qui se projette dans ma rétine. Au même titre que l’image réelle.
C’était avant tout un jeu, une manière de jouer avec soi même ou de se jouer de soi même. L’image constituée ainsi est du même type que ces images qui nous traversent l’esprit et que nous appelons souvenir. Le souvenir de soi dans l’instant même du présent. Le présent n’est-il pas toujours déjà passé ?
C’est un état de la personnalité C’est un premier pas dans la voie de celui qui veut être agi pour ne pas prétendre agir, ou qui se sait agi même quand il prétend agir. Cet état de l’être, on peut dire qu’il relève de la psychologie ou de la psychiatrie, il n’en reste pas moins que l’être a la possibilité d’en faire ce qu’il veut y compris de le soumettre à la juridiction de la psychiatrie et de la psychologie. Les domaines du savoir sont de mon point de vue des domaines de juridiction, de même que les domaines de l’action pratique. 

Retour en psychologie

La psychologie est la science des mal-entendus. D’aussi loin que je me souvienne, quand on parle de psychologie c’est d’écoute qu’il est question. De réponse, il n’est évidemment pas question.  Ce n’est jamais l’objet des séances. Quand je dis mal-entendus, je pense bien évidemment aussi malentendus. Celui qui paye ne sait pas ce qu’il achète, on lui dit qu’il achète une oreille attentive, capable d’une écoute flottante. Quand à celui qui est payé, il ne sait pas non plus ce qu’il a vendu. On ne dit d’ailleurs pas de lui qu’il a vendu qu’il a vendu quoique ce soit, quoiqu’à y réfléchir dans sa position de supposé-savoir le psychologue a du au moins monnayer ce savoir qu’un client-patient lui a supposé.
La parole est l’enjeu de l’échange, et si l’on pense souvent à ce que le psychologue apporte au patient, de confort, de réconfort, de capacité d’analyse, de soutien, on pense assez peu à ce que le patient a apporté au psy qui n’est pas que le prix de la séance. J’imagine, de l’avoir aussi vécu, des journées entières passées à converser, acheter, vendre, et qui viennent finir sur le divan d’un psy, comme ma journée d’aujourd’hui s’achève devant cet écran. Qu’a pris le psy ? Qu’a gagné le patient ?
Je m’imagine donc psychologue ; je suis à mon bureau arrive une patiente ou un patient. J’ai passé la journée à recevoir, faire entrer et faire sortir. J’ai déjà entendu des milliers de mots et voilà qu’un nouveau paquet de mots arrive. De nouveaux entrants. La patiente est charmante, si c’est un patient, il est agréable, mais le paquet qu’il m’amène est chargé d’angoisse. Ils viennent le déverser ici dans ce bureau, je suis payé et grassement, pour le porter, c’est ce que l’on appelle mon rôle social,  je me mets donc en état d’écoute. En état d’écoute cela veut dire grosso modo ne surtout pas penser à ce qui se dit, ne surtout pas échanger de regard ou de mots. J’attends que la présence du patient jaillisse en moi, c’est cela le signe d’une parole ou d’un regard significatif ou ayant du sens. Mon silence est un extracteur de parole. C’est par mon silence que je commande. Etonnement les clients viennent pour entendre un commentaire, ou se plaignent qu’un psy ne parle pas, et s’ils cherchaient une parole, ils se seraient contenté d’aller dans un café ou de se confier à un ami ou une amie, une âme responsable comme on dit. S’il n’était question que d’une présence, celle d’un parent ou ami, fils, frère, père ou mère suffirait. Mais non. Le silence est un extracteur de sens. Et bizarrement, l’on paye le mieux celui qui se tait.
Tous ces mots d’une journée mélangés de souvenirs de plusieurs années mais dont la seule valeur est d’être proféré aujourd’hui constituent une étrange marchandise. Un container de produits hétérogènes. La journée d’un être humain c’est au fond toujours identique ; il a bien fallu qu’il se réveille, qu’il aille ou n’aille pas travailler, qu’il mange ou ne mange pas, sorte courre ou marche, achète ou vende, se soigne ou ne se soigne pas, rencontre d’autres personnes ou n’en rencontre pas (ne rencontrer personne n’est pas donné même aux ermites) ; et c’est un tel cycle qui se répète quotidiennement, comme une sempiternelle variation sur un thème unique.  Les variations sur thème sont une école de la vie, car c’est d’une variation sur routine qu’il s’agit.
Pourquoi est ce dans mon bureau que finissent tous ces mots ? à commencer, parce que probablement ils n’ont pas pu finir ailleurs. Tout simplement ils n’ont pas trouvé d’exutoire. Ces mots qui n’ont pas trouvé d’autres acheteurs que le bureau d’un psychologue, c’est une journée, une vie qui n’a pas trouvé preneur, comme un fardeau que personne n’a voulu porter, et que fait-on, on paye pour qu’il soit porté, on paye le psychologue entres autres. Arrêtons-nous un instant à cette pensée. Imaginons les êtres humains comme des simples corps évanescents, des mécaniques plus ou moins molles, des enveloppes vides, et imaginons que la seule chose qui soit vivante en eux ce soient ces paquets qu’ils s’échangent. Et s’ils étaient portés par leur mots plus qu’ils ne les portent ? Une phrase, c’est une population, un pays, un paragraphe c’est un univers, une idée c’est une galaxie ou une collection de galaxies.
C’est un peu le prix à payer pour une opération qui ressemble beaucoup à un échange de fardeau, le client payant pour que le psy se charge pour lui –comme on charge une mule, ou une chèvre jetée dans le désert, de ses acquisitions de la journée, à charge pour le psy de trier le bon grain de l’ivraie.  Etrange opération s’il en est, qui certes renvoie beaucoup à l’opération de la confession, mais dont on doit surement pouvoir trouver l’équivalent dans d’autres cultures. A condition de réduire la question à son plus simple appareil, dans telle ou elle société, qui institutionnellement est chargé de porter le fardeau des autres ? et combien de temps et à quel prix ?

Témoignage

C’est quand je meurs que le sourire revient dans leurs yeux. C’est si curieux. L’être humain est curieux. Ses énergies se sont éteintes, il en est réduit à ne plus rien attendre de lui-même. A attendre tout des autres. C’est une drôle de vie que celle de l’homme.  Piaillard et paillard s’il en est. La vie à Tanger me fatigue. En fait l’excès de confort me tue plus vite qu’on ne se l’imagine. De tout avoir on ne désire plus rien, de ne plus rien désirer on ne désire plus qu’une mort répétée. C’est du manque que naît le besoin comme c’est du manque que naît le désir, une vie où tous les désirs sont satisfaits est une vie où l’on est vite condamné à mourir. Un homme, je veux dire un humain, vit tant qu’il est entraîné par un espoir, qui le mène jusqu’au lendemain. Il y a une grande différence entre être mené vers le lendemain par un fardeau ou par un espoir. La différence est incommensurable en fait.

La joie des enfants se répète parce qu’elle est la joie même, sans limite et protégée de surcroit non par leurs parents (ils ne se protègent pas eux même - encore moins de leur progéniture), mais par le sort qui a voulu l’expérience infantile ainsi. Un témoignage sur l’activité même des parents peut être. Une mesure ou un mètre absolu.  Imaginons que le jeu soit la règle absolue, le modèle même de la vie ; et certes il n’a pas créé le monde pour la souffrance. De même qu’il ne nous a pas créés pour rien. Si donc le jeu est la règle absolue tout ce qui ne joue pas a perdu. Mais le jeu est ce forcément un jouet ? Faut-il qu’il sorte d’une boite ? Ne suffit-il pas qu’il soit un sentiment ? Et de quel sentiment alors s’agit-il ? À l’instant, ce que me revient à l’esprit c’est justement l’esprit des jeux de pistes.  Une piste à suivre, marquée et surlignée, le jeu est d’arriver au bout du chemin en ne perdant pas la piste. La vie n’est-elle pas alors un jeu de pisteurs ?

Pourquoi les écrivains s’asseyent-ils dans leurs bureaux des journées entières, des heures entières, pendant que les hommes vaquent à leurs occupations, à la recherche quotidienne de quelque chose en quelque chose ? n’est ce pas un étrange raccourci de la vie qu’ils semblent avoir trouvé à l’ombre de leur stylo ou de leur clavier ? J’imagine qu’écrire ce n’est pas que aligner des mots, mais partir à une chasse. Imaginons que la ville soit traversée d’idées et de mots qui volent ou nagent. Le gagnant est celui qui les attrape au moment précis où ils se font voir. L’écrivain dans l’instant de l’inspiration dispose d’un filet dérivant ou d’un fusil mitrailleur. Il attrape tout ce qui bouge et avec cela construit un récit qui est celui là même de sa journée, celui là même q’il aurait pu sortir écrire autrement, de rue en rue ou de taxi en taxi avant d’arriver à construire une journée bien tournée ou bien achevée, une journée qui ait du sens. L’écrivain ou le poète ou le journaliste n’a pas besoin de courir après les faits pour fabriquer du sens, il prend le sens là où il est dans les mots. Les Mots, les mots, les mots. N(oublions jamais que la réalité ce sont des mots et que quand un être humain veut donner du sens à sa vie, c’est de mots qu’il est question, plus au loin encore, pour pousser la parabole,  écriture est ce tout juste un mot singulier, n’existe-t-il qu’une manière d’écrire, celle qui consiste à prendre un stylo ou à pianoter sur un clavier ? je me souviens qu’il était question lorsqu’on parle de chorégraphie de l’écriture de la danse. Une chorégraphie c’est une forme d’écriture dans l’espace, quand bien même elle n’aurait commencé que par être un  dessin sur une feuille.
Aujourd’hui pendant que je traçais des lignes sur un tableau les enfants se sont rassemblées autour de moi et l’enseignante de dire « laisser le professeur écrire sur le tableau ». j’eus l’idée que le travail artisanal que j’étais entrain de faire, à ce moment là était lui aussi une forme d’écriture, idée qui ne m’avait pas traversé l’esprit auparavant, pourtant, je ne trace que des lignes et des interlignes sur un tableau.
Continuons. La journée d’un homme qu’est ce à partir du moment où il sort de chez lui, quand une épouse et des enfants l’attendent ? Une quête de la satisfaction des besoins de chacun ? Une quête pour la satisfaction des insatiables ? Dans cette histoire le seul à s’inquiéter de la journée est l’homme lui-même, le seul à angoisser aussi. Imaginons que vous soyez cet homme, que vous sortiez de votre maison avec une liste de besoins, mais que vous ayez laissé à la maison des êtres dont chacun sait exactement ce que vous allez faire, par où vous allez passer, et vous passeriez votre journée à vous reprocher de n’avoir pas pu faire ceci ou cela, d’avoir oublié ceci ou cela, quand ce sont exactement les auteurs de toutes ces demandes et désirs qui tirent les ficelles de votre journée et s’amusent de votre course d’obstacle.
J’aime à me voir comme ce pantin, dont on tire les ficelles et je jouis d’une certaine manière de la joie et du plaisir sournois de tous ces tireurs de ficelles. C’est pourquoi l’idée de la transparence absolue me plait. Elle est mon refuge. Quitte à être dans une cage de verre, autant considérer que ceux qui viennent me regarder sont les animaux que je visite dans le zoo. C’est par cette inversion et ce retournement que je sauve ma tranquillité ; si tu me tiens c’est non seulement parce que je suis tenu mais aussi parce que je te tiens. Si tu me gardes c’est parce que je te regarde, si tu me vois c’est parce que je te vois, si tu m’entends c’est parce que je t’entends. Le prisonnier n’est pas forcément en prison quand celui  qui l’y a mis se trouve par là même dans l’obligation de se charger de toutes les obligations dont le prisonnier a été ce faisant libérer. Le geôlier  vit en prison, puisque c’est justement là que se trouvent ses prisonniers.  Il est prisonnier des prisonniers, situation qui semble on ne peut plus paradoxale et pourtant.
La notion de témoignage a une extension absolue, qui rend la vie un plus claire, mais elle exige qu’on se décharge et se libère de tout un ensemble de concepts surannés. Ce que je vois me vois, ce que j’entends m’entends, la chaîne dans laquelle je suis pris depuis le jour de ma naissance jusqu’au jour de ma mort, n’a pas de fin, ni ne se brise. Mais le constater, c’est s’en libérer. De tous temps on a toujours su, qu’à trop écouter les autres on mourrait de ne s’écouter soi même. Si les autres sont ma prison, la conscience que j’en ai est cela même qui me libère de mes chaînes, la soumission a un être humain est une honte, le constat de cette soumission vous libère de la honte comme de la soumission elle-même.
Mes enfants de tous les pays je brûle de vous apporter un conseil qui ne vous atteindra pas. Ah si jeunesse savait, ah si vieillesse pouvait… ce que jeunesse sait c’est que ce que vieillesse peut, ce que vieillesse put c’est ce que jeunesse sait. Ou vice versa n’est ce pas ? quand j’entends tous ces gens discuter dans la rue je suis abasourdi par tout ce que j’entends. Tant de paroles qui leurs semblent gratuites et qui sont autant de filets dans lesquels ils tentent de s’emprisonner les uns les autres, étranges hommes qui passent leur temps à se surprendre et à se piller, et c’est un destin.  J’ai vieilli sans aucun doute, j’ai vieilli en ce que je ne cesse de grandir, naître chaque matin et mourir chaque nuit comme si j’avais vécu mille ans. C’est le destin d’une vie sans mémoire, de celui qui a été condamné à oublier.  C’est l’oubli qui me vieillit et me rajeunit à a fois, c’est l’oubli qui m’empêche de traverser les journées les semaines les mois et les années en les accumulant les uns après les autres les unes après les autres ; c’est l’oubli qui est mon histoire. Remettre les compteurs à zero c’est le rêve de chacun mais qui s’imagine ce qu’est le poids d’une vie dont les compteurs reviennent perpétuellement à éero ? est une condamnation à mort ou une condamnation à vivre ?  celui qui m’a dit un jour que même les pigeons s’en vont au paradis m’a-t-il menti ou a-t-il parlé vrai ? le pigeon n’est-il pas aussi celui qu’on a pigeonné ?

La chair est triste

Quant à celui qui a écrit la chair est triste hélas j’ai lu tous les livres, je lui reconnais bien des mérites et lui concède sans peine les honneurs du symbole. Ce que le livre enlève à la chair est ce le désir ? Ce que le désir inscrit dans la chair, est-ce une écriture ?  Aujourd’hui encore je me réveille hors du désir, quand je me dis je me réveille, je pense aussi que c’est l’heure où d’autres ce sont endormis. Dans mon rêve, des régiments de femmes charmantes toutes plus désirables les unes que les autres sont venues me charmer. Il semble que l’on organise des défilés entiers de femmes rien que pour me charmer. Non pas que je résiste, nul ne résiste au désir, hormis quelques saints, ni qu’il soit nécessaire d’y résister, après tout la responsabilité d’un homme à l’égard de ses actes s’amenuise à mesure qu’il plonge la nuit dans son sommeil et plus le sommeil est profond moins il y a lieu de se sentir coupable, mais ces régiments de belles et jolies femmes toutes mieux habillées les unes que les autres me rappellent incidemment que la femme qu’on aime quand bien même elle aurait des millions de visages, a aussi celui qui est gravé dans notre mémoire, et parfois la mort du désir vient simplement de la jouissance du souvenir et la présence invisible mais si marquante de l’aimée.
A celle que je ne connais que par quelques émois et quelques signes, à celle qui est une partie de moi-même dans laquelle je me suis enfoui et dont je suis une partie de laquelle elle s’est extirpée, à celle là que je préférerais toujours parce que je l’ai connue plus belle et plus entière qu’un univers étoilé, à celle là qui m’arrache les tripes avec l’aisance d’une élégante épousant une nouvelle robe, ou dont les mots me transpercent, parce qu’accorder  son cœur à une dame c’est prêter à une tigresse la tendresse d’un chaton, une erreur que ne font que les malheureux qui prêtent à une  moitié d’eux même des sentiments qu’ils se sont contentés d’emprunter à l’autre, à celle là seule, qui est toutes les autres qui ne seront jamais qu’elles quelque soit le visage dont elle s’affuble, je dirai des mots qui ne sortent ni des lèvres ni de la bouche qu’on ne trouve ni dans les livres ni sous le ciel, avec des mots qui ne sont d’aucune langue que je comprenne ou qu’elle comprenne, je dirai heureux le destin qui nous a réuni ; j’ai vécu mille vie, je suis mort de mille mort et ne sait toujours pas comment aimer celle qu’un destin jaloux m’a choisi en se promettant de la reprendre chaque fois que j’oserai aimer quelqu’un d’autre que Lui. Et d’aimer on meurt aussi, et pour aimer on mourrait aussi, quand aimer c’est mourir aussi. Petit enfant, n’oublie jamais pour autant que la poésie ne plaît aux belles qu’un temps, et ce sont aussi les plus belles qui te l’ont dit.